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L’Inde ravit la place de la 6ème économie mondiale à la Grande-Bretagne : un symbole ? Non, un symptôme !

par | Tribunes

26 Déc, 2016

Peu de journaux consacrent à cette nouvelle ne serait-ce que quelques lignes alors qu’il s’agit d’un séisme économique – certes attendu – doublé d’un symbole éloquent : l’Inde, qui fut sous domination britannique durant près de deux siècles de 1757 à 1947, va dépasser au classement économique mondial la Grande Bretagne.

Une croissance du PIB de 7,6% en 2017

Ce sont les prévisions du Fonds Monétaire International (FMI) qui permettent de l’envisager : le PIB de l’Inde devrait augmenter de 7,6% en 2017, une excellente performante due aux effets conjugués de la baisse des prix des matières premières, d’une inflation plus faible que prévu et des effets des réformes de marché, pour certaines radicales, mises en oeuvre par le Premier Ministre indien Narendra Modi depuis son élection en 2014 pour stimuler la croissance économique de son immense pays (1,252 milliard d’habitants en 2013).

Si cette prévision se réalisait (hors cataclysme mondial donc), l’Inde deviendrait ainsi la sixième économie mondiale derrière les États-Unis, la Chine, le Japon, l’Allemagne et la France. Elle devancerait désormais la Grande Bretagne dont la croissance est envisagée à seulement 1,1% en 2017 par le FMI après une croissance déjà faible (1,8%) en 2016 : empêtrée dans les conséquences du vote de juin relatif à la sortie du marché commun de l’Union européenne, l’économie du Royaume-Uni devra encore attendre pour en dépasser les conséquences néfastes.

Un symbole révélateur

Au-delà de l’évolution économique d’un monde dont on sait depuis un certain temps déjà qu’il est en plein bouleversement (comme en témoignait en 2015 la création de la Nouvelle Banque de Développement des BRICS), il y a dans ce passage de témoin entre la Grande Bretagne et son ancienne colonie un symbole redoutable, dont on ne sait s’il doit fasciner ou inquiéter.

Ce qui fascine, c’est la puissance économique grandissante de l’Inde. S’il est dans l’ordre des choses que le deuxième pays de la planète en terme de population rejoigne dans le classement mondial des pays comme l’Allemagne ou la France, nettement moins peuplés, l’éclosion technologique et la mise en marche d’un tel colosse a quelque chose de nécessairement inédit et donc de stupéfiant.

Ce qui inquiète, c’est le silence (pour ne pas dire l’autisme) des grandes démocraties occidentales telles que la France pour lesquelles les seuls débats économiques à mener à l’aube des prochaines échéances électorales concernent le nombre d’heures à travailler dans la semaine, la crainte qu’il faut avoir ou non des syndicats ou encore le taux de remboursement des médicaments par la Sécurité Sociale.

Un symptôme désolant

Car dans les faits et dans l’opinion tout se passe comme si les conséquences économiques entraînées par une croissance à 7,6% dans un pays dont la population approche le milliard et demi d’habitants devaient s’arrêter aux frontières (virtuelles désormais) de la France. Un peu comme le tristement célèbre « nuage de Tchernobyl » que certains évoquent encore aujourd’hui en se gaussant de la crédulité des français de l’époque. Tout en acceptant des analyses bien plus farfelues sur le plan économique de la part de leurs élus (ou candidats) actuels.

Dans cette économie mondialisée où les prochaines annexions seront financières, la France et la plupart de ses voisins continuent à vivre au jour le jour, comme si le fait de n’être pas encore directement touchés au coeur de leurs systèmes sociaux respectifs par les conséquences des compromis économiques consentis durant les trente dernières années (dont une dette à 2160,4 milliards d’euros, soit 97,6% du PIB) signifiait que le danger n’existait pas vraiment.

Un peu comme un promeneur qui, sur la plage, ne consentirait à reconnaître que la marée existe que lorsque l’eau lui arrive à la taille. Il lui faudra alors soit marcher plus vite que la marée, soit apprendre à nager. Les maîtres-nageurs, eux, ne bougeront pas : ils sont déjà trop occupés à coller des rustines sur les bouées de sauvetage.

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Auteur de l’article :

Stéphane Ozil